Notre première rencontre a eu lieu dans un couloir de la maternité de l’hôpital
Tenon. Il sortait du bloc. C’était le 8 mars 2001, la "Journée Internationale de la Femme". Une
infirmière le portait. Il était emmitouflé dans les draps des Hôpitaux de Paris. Je les
ai suivis pour photographier les premiers soins. Il avait cette posture de contorsionniste qu’ont
les enfants nés par le siège. Il ne me quittait pas des yeux... c’est lui mon papa qui a un gros
œil tout noir qui fait clic-clac ? Il pleurait beaucoup. Que cela doit être effrayant de naître ?
L’air dans les poumons, le froid, la lumière, le bruit, le tuyau dans le nez, tourné,
retourné, taille, poids, périmètre crânien, Apgar, etc…
Puis, le premier bain et enfin les bras de papa, après ces neuf mois d’attente et quelques
années…Il était tout chaud, perdu dans sa serviette blanche. Au son de ma voix, il
s'est arrêté de pleurer. Son regard s’est plongé dans mes yeux embrumés.
Avait-il reconnu cette voix qui lui parlait de l’autre côté du ventre
maternel ? Il se laissa aller dans un profond apaisement.
Aujourd’hui quand je le regarde j’ai le sentiment qu’il a toujours existé.
Matteo grandit, il découvre les jeux, la marche, la parole, les lettres, les chiffres, les grimaces,
les autres et les "pourquoi?". L’obturateur ne le fait plus sursauter. Il joue à
cache-cache avec l’objectif, prend la pose et regarde dans le viseur. Devine-t-il l’image que je
veux faire …ou bien me suggère-t-il celle qu’il souhaite?
© Jean-Luc Barbier